Depuis le 05 septembre 2021, la Guinée, notre commune patrie, est à un tournant décisif de son histoire politique et démocratique.
Au vu du passionnant débat portant sur une éventuelle limitation de l’âge des candidats ou une exclusion de certains leaders politiques en arguant un prétendu « renouvellement de la classe politique », nous avons l’obligation en tant que forces de veille, d’alerte, de propositions, d’interpellation et d’actions d’alerter et d’attirer l’attention des nouvelles autorités sur ce qui nous semble être une dérive à ne pas du tout commettre.
En tant qu’acteurs de la société civile et observateurs des processus électoraux, nous connaissons les enjeux des élections et les désastres qu’elles peuvent provoquer quand la frustration atteint la gorge.
Oui, l’exclusion est le lit des frustrations et des conflits !
Ainsi 5 mois après la prise du pouvoir par le CNRD, des voix s’élèvent pour appeler au renouvellement de la classe politique et à l’exclusion de certains leaders de la compétition électorale, comme si le renouvellement d’une classe politique se décrétait. Le débat sur le renouvellement de la classe politique soulève deux autres questions qui méritent des réponses claires et précises. Il s’agit de : Comment ? Et par qui ?
Ce débat, si l’on n’y prend pas garde, envenimera la vie de la nation et ébranlera la cohésion sociale, la paix et la stabilité de l’État.
Pour la réussite de la transition et pour des futures échéances électorales apaisées, nous devons nous souvenir que l’État de droit démocratique auquel aspire le souverain peuple de Guinée nous impose le respect de la loi, le sens de la justice, le pardon et l’acceptation de l’autre dans sa différence. S’il est vrai que le peuple est souverain, alors il faut lui laisser sanctionner les politiciens à travers les élections organisées de manière inclusive et transparente .
Espérons que le Conseil National de la Transition, nouvellement mis en place, nous fasse l’économie d’une telle aventure dangereuse sinon la légitimité de ses membres sera mise à rude épreuve car ils ne sont pas des élus mais plutôt choisis par des structures et entités qui ne sauraient se substituer aucunement au peuple entier.
Il y a quelques mois, on indexait le Pr Alpha CONDE comme étant le principal problème du pays (nous avons fait autant à Ahmed Sékou TOURE, Lansana CONTE, Dadis et Sékouba), il est parti, ne divisons pas le pays ! Vivons en paix !
C’est le lieu ici d’interpeller le CNRD (même si nous ne connaissons jusqu’à présent pas ses membres avec exactitude) , à sa tête le Colonel Mamadi DOUMBOUYA, et le président du CNT , Dr. Dansa KOUROUMA , sur les dangers que courrait notre pays si certains de ses fils étaient exclus à cause de leurs âges ou d’autres considérations subjectives.
La Charte de la transition du 27 septembre 2021 garantit les droits fondamentaux et les libertés individuelles, y compris la liberté d’expression et le droit d’être électeur et éligible, il importe de souligner que lesdits droits et libertés s’exercent dans les conditions prévues par la loi.
Nous avons accepté la Charte sans même connaître ses rédacteurs, il faut donc la respecter
Vouloir la violer ou la tripatouiller à des fins personnelles ou pour contenter certains politiciens qui ont peur du peuple, c’est faire pire que le régime déchu qui a été combattu d’une manière ou d’une autre.
Les dispositions explicites de la Charte de la transition notamment les articles 8, 9 et 10 devraient inspirer le débat sur l’exclusion de tel ou de tel autre. En d’autres termes, nous nous devons de transcender nos ressentiments pour appeler au préalable au respect des lois afin de permettre une vie en société organisée et d’éviter le développement de la loi « du plus fort ». Autrement, on serait dans une situation proche d’une véritable anarchie, où chacun agirait selon son bon plaisir, sans souci de la règle commune. L’obligation pour tous les citoyens de respecter les lois est la meilleure assurance que la liberté, les droits et la sécurité de chacun d’eux sont garantis de manière effective.
Nous devons laisser la justice dans l’indépendance et l’impartialité juger les personnes mises en cause. Encore qu’à ce niveau, il y a ceux qui ont poussé le bouchon avant de sauter de la barque.
N’érigeons donc pas nos peurs, nos convictions ou nos désidératas en textes de lois applicables ou en une règle de jeux.
Dans l’ensemble, pour construire le véritable Etat de droit démocratique que revendique le peuple, il nous faudra nous inscrire résolument dans l’esprit de la Charte de la transition (même si elle même a besoin de révision pour être plus inclusive).
Evitons à tout prix de reproduire ce qui a fait échouer les autres transitions ou qui a conduit les régimes précédents à la chute
Il faudra surtout avoir à l’esprit que partout où des conflits ont germé ou éclaté, où l’instabilité politique s’est installée, une poignée d’hommes politiques et ou de la société civile en ont été les instigateurs. Ils sont alors soutenus en cela par une foule de militants, de coreligionnaires, de parents ou amis zélés, prêts à tout pour voir triompher leur parti, leur idole, leur fils et surtout leurs intérêts personnels.
L’on se souviendra aussi qu’à certaines étapes charnières de la vie des nations, surgissent des penseurs en quête de points de chute alimentaires qui soutiendront avec force ce qu’ils pensent pour la société, mais à y voir de près, les faits sont là pour les contredire : sociétés en crise cherchent toujours penseurs.
Alors, s’il doit y avoir renouvellement de la classe politique ou de l’exclusion, il ne doit se faire que par le souverain peuple et seul le peuple. Mieux, le renouvellement de la classe politique peut consister à introduire de nouvelles offres politiques et permettre la libre concurrence des projets de société par l’introduction des candidatures indépendantes que nous exigerons d’ailleurs pour la nouvelle Constitution.
Alors faisons attention car l’auteur d’un feu de brousse connaît le point de départ du feu, mais en ignore totalement le lieu où il va s’arrêter.
À bon entendeur salut !
Dorah Aboubacar KOITA
Juriste Consultant et Activiste de la Société Civile Guinéenne