Cher cousin,
Une fois n’est pas coutume, je me mets à table pour t’écrire comme nous le faisions autrefois. La raison est simple, tu as dû suivre ce qui se passe actuellement avec cette fameuse société israélienne qui a mis en place Pegasus, un logiciel espion qui permet d’accéder à toutes nos données à la fois : paroles, images et textes… Cela veut dire que ce que nous croyons être un secret est plus connu que ce que nous disons et faisons sur la place publique.
Même si, pour le moment, notre pays n’est pas cité comme un partenaire de la société israélienne, il serait trop naïf de penser que l’hypothèse est exclue. De manière générale, nous devons nous dire qu’autant la science nous a facilité la tâche, autant il faut s’attendre au revers de la médaille. C’est-à-dire que ce que nous croyons être un secret est tout sauf un secret.
C’est donc pour être totalement à l’abri d’une mauvaise surprise que je renoue avec une vieille habitude : écrire avec le papier et le Bic. Ceci dit, la révélation de la presse sur cet espionnage pratiqué n’est pas mon sujet. Je reviens donc à mon sujet pour te dire que je ne doute pas un seul instant que tu suis avec grand intérêt l’évolution de la situation dans notre pays. Une situation inquiétante voire désespérante. J’en veux pour preuve, le concert de sabotage orchestré contre mon homologue de l’Education nationale.
Il n’existe pas de liens particuliers entre ce collègue et moi. Ni familiaux, ni amicaux. Mais, j’ai été sidéré par la façon dont il a été foudroyé de critiques. Le pauvre ayant mis fin à des pratiques mafieuses entretenues par les cadres de certains départements et les fondateurs des universités privées, ces derniers l’attendaient au tournant. Mais, il n’y a pas que ceux dont les vivres ont été coupés qui en veulent à l’homme. Il y a aussi, semble-t-il, tous ceux qui, au sein de l’opposition et de l’intelligentsia du pays, ne lui pardonnent pas d’avoir été un « collabo » du troisième NAMBARA… Jamais un ministre n’a été aussi vilipendé, notamment sur les réseaux sociaux.
A quelques exceptions près, tout le monde a contribué à l’échec de l’examen. Car, nos compatriotes croient à tort que cet échec sera celui du ministre. Mais, il sera celui de notre pays. Au crépuscule de sa carrière et ayant probablement (voire sûrement) ses enfants sous d’autres cieux, le ministre n’est pas perdant. D’autant plus que ceux qui ont voulu saboter les mesures qu’il a prises lui ont paradoxalement rendu service en affichant leur complot sur la place publique.
Cher cousin, tu te rendras compte que les habitudes ont la vie dure. Depuis le collège, en passant par le lycée jusqu’à l’université, je me suis toujours écarté de mon sujet pour parler d’autres choses. C’est cette infidélité dans ma dissertation qui m’a empêché de devenir journaliste. Même si, avec le recul, je ne me plains pas d’avoir opté pour d’autres spécialités. Je te vois déjà sourire et te dire que décidément même ses fonctions de ministre n’ont pas changé mon cousin. Lequel, pour aller de Kaloum à Kassa passe toujours par Kakoulima.
Bref, je reviens donc à mon sujet. Tu as sans doute eu les échos de cette évasion digne de la mafia sicilienne qui s’est passée à la principale prison civile de notre pays. Cette affaire est loin de connaître son épilogue. Certes des agents ont été sanctionnés. Mais, mon patron est dans tous ses états. Lors du dernier conseil des ministres, je n’ai pas osé le regarder dans les yeux. Il est vrai que cela ne date pas d’aujourd’hui. Il faut être un vrai fils de son père pour pouvoir regarder cet octogénaire dans les yeux, même si tout va bien. A plus forte raison dans un contexte où il a des griefs contre toi.
Pour le moment, deux départements sont dans sa ligne de mire. Et comme dans pareil cas, les cadres de mon département et ceux de celui de mon collègue se rejettent la responsabilité. Les uns disent qu’ils font tout pour arrêter les bandits et les autres les libèrent. Cela les décourage. Les autres répliquent qu’ils préfèrent libérer un coupable que de condamner un innocent. Leurs querelles font l’affaire des hors la loi. Comme le dernier cas. Lequel cas, et comme je l’ai déjà dit plus haut, est loin de finir. Je suis particulièrement inquiet. Car, si je n’ai pas peur d’être limogé, j’ai cependant peur d’être limogé suite à une défaillance avérée de mon département.
C’est pour cette rasions que j’ai fait appel à notre cousin qui vit au village pour m’aider. Comme lors de la dernière crise que j’ai connue, je souhaite qu’il fasse la même chose pour désamorcer la crise. Je lui ai fait parvenir les frais comme la dernière fois. De ton côté, je voudrais que tu me fasses deux choses : les conseils habituels ; et, bien sûr, si tu as la possibilité d’intervenir d’une manière ou d’une autre auprès du grand patron afin qu’il nous accorde un sursis pour réparer la faute commise.
Sachant compter sur ton habituelle promptitude, je te dis à bientôt.
Ton ami, le ministre, Habib Yembering Diallo, toujours joignable au 664 27 27 47
Toute ressemblance entre cette histoire ministérielle et une autre n’est que pure coïncidence.