En principe, la détermination du nombre de Républiques s’opère, dans un État, au regard du nombre de Constitutions adoptées, tant que chacune d’elle apporte des changements d’une réelle importance par rapport à l’ancienne (au plan institutionnel, des droits et libertés).
Or, en République de Guinée, il y en a –jusque-là –eu cinq (Constitution du 10 novembre 1958, Constitution du 14 mai 1982 ; Constitution du 23 décembre 1990, Constitution du 7 mai 2010 ; Constitution du 7 avril 2020).
Ainsi, la question de savoir si un changement de constitution équivaut nécessairement à un changement de République repose sur le postulat suivant lequel, « l’avènement d’une nouvelle République a systématiquement comme support juridique une nouvelle Constitution et l’adoption d’une nouvelle Constitution par une République qui en possédait une, est synonyme de changement de République ». (Nanamountougou M.-A.). La première branche du postulat n’est pas inexacte.
En ce sens, de nos jours, la Constitution représente le support de la consécration de la République.
Le second est à nuancer. Car, si le changement de Constitution PEUT déterminer un changement de République, tout changement de constitution n’a pas le même effet. Pour ainsi avoir cet effet, le changement doit reposer sur une mutation significative de l’ordre constitutionnel nouveau.
La question qui a déterminé une petite curiosité constitutionnelle était ainsi celle savoir si les constitutions guinéennes depuis 1958 ont, chacune, apporté quelque chose de substantiellement différent au point de justifier, à chaque fois, le passage à une nouvelle République.
Pour répondre à cette question :
➢ Le contenu et l’esprit des préambules ;
➢ La disposition des chapitres consacrés aux droits et libertés, le nombre et la portée de ceux-ci ;
➢ La désignation du titulaire du pouvoir et la conception de la séparation des pouvoirs ;
➢ Le nombre des organes constitutionnels ; leurs attributions et leurs interactions ;
➢ La responsabilité (politique et pénale) des gouvernants
➢ La conception de l’intégration africaine ….
…. sont, autant de données analysées qui permettent, au terme de la lecture intégrale de l’ensemble de ces Constitutions, de soutenir que la Guinée est à sa (V) CINQUIÈME RÉPUBLIQUE.
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NB. La constitution de 2020 prescrit de nouveaux mécanismes fondamentaux permettant de soutenir l’idée d’un changement de République :
…..il s’agit, pour l’essentiel, de la réorganisation des interactions entre l’EXECUTIF ET LE LÉGISLATIF du point de vue de la ‘’trilogie’’ POUVOIR/ CONTRÔLE/RESPONSABILITÉ :
.1… L’irresponsabilité politique, instaurée, du chef de l’État…
2…..la responsabilité consacrée du gouvernement devant le Parlement et le Président de la République sur la base de la « Motion de censure » et de la « Question de confiance »..
3. La fragilisation de l’Assemblée nationale par l’entremise de la facilitation des modalités de sa dissolution …
… sont autant de situations traduisant un changement dans la conception de la nature du régime politique. Or, cet aspect est déjà suffisant pour déterminer un changement de République.
Jean Paul KOTEMBEDOUNO
Attaché temporaire d’Enseignement et de Recherche à l’École de droit de la Sorbonne