En juin 2010, la Guinée a adopté la loi L002 qui dépénalise les délits de presse saluée comme une grande avancée démocratique. L’objectif est d’éviter qu’un citoyen soit arrêté et mis en prison pour des délits commis par voie de presse.
Avec cette loi, la Guinée a fait des avancées significatives en matière de liberté d’expression jusqu’à maintenant malgré les différentes tentatives par les magistrats de la contourner pour faire arrêter des journalistes afin de les intimider et les pousser à l’autocensure qui est pire que la censure elle-même. Comme en témoignent les nombreux harcèlements dont sont l’objet les journalistes ces dernières années.
Quelques cas illustratifs
Suite à une plainte pour diffamation de Mamadi Touré, ministre d’alors des Affaires étrangères pour diffamation, le journaliste Lansana Camara, administrateur du site Conakrylive est arrêté et placé en garde à vue, le 26 mars 2019.
Il avait passé une semaine à la Maison centrale de Conakry avant d’être libéré le 2 avril quelques heures après une manifestation organisée par les journalistes.
Le 19 août 2019, Aboubakr et Azoka Bah, animateurs de l’émission « Œil de Lynx » de la radio Lynx FM, ont été poursuivis pour « complicité de production, de diffusion et de mise à la disposition d’autrui des données de nature à troubler l’ordre ou la sécurité publique» sur la base de la loi sur la Cybersécurité en lieu et place de celle sur la liberté de la presse.
En guise de confraternité et de solidarité, les organisations professionnelles de presse URTELGUI, AGUIPEL, APAC, REMIGUI, UPLG, AGEPI, UFSIG, SPPG, AJPRG et l’UPF-Guinée avaient décidé de l’organisation d’un sit-in le lundi 26 août 2019 devant la HAC et une synergie des radios, le 29 du même mois.
A la suite d’une condamnation en sursis de 3 journalistes de la radio Nostalgie FM, les associations faîtières ont constitué une commission qui a rencontré le ministre de la Justice pour lui demander d’intervenir pour faire annuler le verdict du tribunal de Kaloum sur la base du Code pénal en lieu et place de la L002.
Tout récemment, suite à une plainte pour diffamation du ministre Bantama Sow, le journaliste Habib Marouane de Nostalgie FM et du site Lerevelateur224.com a failli, lui aussi, être mis sous mandat de dépôt. N’eut été la solidarité de ses confrères à travers une forte mobilisation à la DPJ, étant donné que le journaliste était poursuivi sur la base de la Loi sur la Cyber-sécurité, il serait mis en prison.
Ce qui pourrait expliquer, en partie, la dégringolade de la Guinée dans le classement des Reporters sans frontières (RSF) avec 24 points perdus de 2013 à 2020.
Par le passé, la confraternité n’a jamais manqué à l’égard des journalistes qui ont eu des ennuis judiciaires. Force est de constater que la solidarité que nous confère la Charte d’éthique mondiale des journalistes ne s’est pas encore exprimée à l’égard du journaliste et historien Amadou Diouldé Diallo. Aucune réaction de dénonciation des associations de presse guinéenne en dehors de l’AGEPI. Plutôt, elles se sont muées en silence. Faut-il avouer que cela constitue un précédent dangereux pour la liberté d’expression en Guinée.
Arrêté le 27 février 2021, sans convocation préalable, le journaliste et historien Amadou Diouldé Diallo a été inculpé, le 1er mars pour «offense au chef de l’Etat et diffamation » et placé sous mandat de dépôt. Il est, depuis cette date, détenu à la Maison centrale de Conakry.
L’article 10 de la Constitution dispose que « tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression ». La Loi L002 portant sur la liberté de la presse a dépénalisé les délits de presse en Guinée.
Toutefois, afin de contourner l’application stricte de la loi, la justice guinéenne a décidé de mettre M. Diallo en détention préventive pour une période que nous ne saurions dire.
A supposer que M. Diallo soit reconnu coupable d’offense au chef de l’État, il ne pouvait être condamné qu’à une amende allant de 1 à 5 millions Gnf, selon l’article 105 de la loi sur la liberté de la presse en Guinée.
Journalistes, notre silence nous culpabilise. Mieux vaut tard que jamais. Levons-nous et défendons le principe qui dépénalise les délits de presse en Guinée! Refusons de nous rendre coupables, complices ou complaisants de la violation de la liberté de la presse. Dénonçons l’injustice dont est victime le journaliste Amadou Diouldé Diallo. Faisons valoir nos droits. Faisons valoir la confraternité. Dénonçons la détention illégale de notre confrère depuis 38 jours à la Maison centrale de Conakry.
Face à l’injustice, le silence est coupable. Il serait dommage pour les journalistes que nous sommes de ne pas dénoncer la détention illégale de notre confrère. Brisons donc le silence, crions notre colère et exigeons que M. Diallo soit libéré. Nous ne saurons cautionner le musellement de la presse en Guinée.
Aujourd’hui, c’est Amadou Diouldé Diallo. Demain ce sera le tour de qui ? Pourquoi donc ne pas se lever dès maintenant ? Notre avenir en tant que journalistes en dépend.
A l’issue des différentes rencontres, les associations faitières de la presse ont promis de s’impliquer pour obtenir la libération de Amadou Diouldé Diallo. L’heure est donc venue de réagir, ne serait-ce qu’à travers une déclaration pour dénoncer la violation de la L002.
Le Collectif de soutien à Amadou Diouldé Diallo